Planet Osberan. In progress
Planet Osberan. In progress
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Prequel Osberan
Journal de bord du sous-commandant Arin, du régiment de défense de la flotte civile. En approche d’Osberan. Résumé des dernières semaines.
Depuis un mois, nous naviguons vers Osberan selon les ordres laissés par notre amiral. Il m’avait confié à l’époque la direction de tout ce petit monde parce qu’il souhaitait étudier une super nova que nous devions croiser pendant notre périple. Peu de temps après son départ, nous avons perdu tout contact avec sa navette. Nous avions comme instruction de continuer notre expédition sans les attendre et sans nous préoccuper de ce qu’il pourrait leur arriver afin de ne pas mettre en danger ni l’équipage ni la mission.
Hormis mon inquiétude profonde, de n’avoir plus aucune nouvelle de l’amiral, l’armada militaire et la terre, le reste du voyage s’est bien déroulé et rien n’est venu perturber notre progression fort heureusement ! Il était de ne pas provoquer de panique dans la population, cela a été une période particulièrement difficile de cacher notre isolement total.
Nous sommes entrés dans la zone d’influence du système double Tylonia-Aleya depuis trois semaines. Nous avons dû, pour ne pas créer un possible déséquilibre de ce dernier, changer le mode de propulsion et nous rabattre sur les réacteurs conventionnels. L’étape suivante consistait en l’envoi de plusieurs sondes d’observations en direction de la planète. Vingt-quatre heures après leur largage, elles devaient être en mesure de nous fournir les premières images en haute résolution d’Osberan. Chaque jour passant, puisqu’elles s’approchaient, elles pouvaient glaner davantage d’informations, telles que la présence de vie à la surface sans entrer dans le détail. D’autres avaient cette mission et devaient être lancées depuis l’atmosphère d’Osberan un peu plus tard.
Les premières sondes devaient rechercher des objets artificiels sur toute la planète. Hier, ces dernières, restées en orbite, ont pu clore leur travail et nous avons reçu le premier scan complet. Les premiers retours ne faisaient état d’aucune trace d’activité qu’on aurait pu assimiler à une technologie quelconque. De plus, elles ont pu réaliser une cartographie de qualité du continent abritant le point alpha, d’origine du signal. Les informations ont ensuite été compilées dans une sphère d’orientation afin de m’aider dans notre progression au sol.
Pour en revenir à ma première remarque, l’absence d’artefact quels qu’ils soient sous-entend que personne n’a pour le moment atterri sur la planète. Cela permet surtout de conclure qu’il n’y a aucune présence intelligente à la surface. Cela en revanche c’est un mauvais présage, la seconde flotte n’est pas là ici. Il faudra donc nous débrouiller seul ! La question étant de savoir, ce qui a bien pu arriver aux autres. Dans tous les cas, les jours, les mois, les années à venir seront probablement difficiles, car nous ne sommes simplement pas aussi bien équipés qu’eux pour recréer un confort minimum. En imaginant bien sûr qu’il ne s’agit que d’un souci de timing, bien que j’en doute !
Dans quarante-huit heures, je serais le premier homme à poser le pied sur cette nouvelle planète, selon les directives laissées par le haut commandement. Il s’en suivra l’atterrissage des vaisseaux cités, fonction des informations que je leur transmettrais.
En cas d’absence de contact de ma part, ils auront la consigne de faire descendre la flotte à environ cinquante kilomètres du point alpha.
Nous avons eu quelques soucis avec les sondes de surface. Systématiquement, elles se sont arrêtées de transmettre environ vingt-quatre heures après leur largage. Les analyses géologiques et biologiques reçues, bien que partielles, ont permis de mettre en évidence que la vie y semble de petite taille, donc pas de grands prédateurs. La présence d’une grosse nappe aquifère confirmée juste dans les premières strates souterraines nous a beaucoup aidés à prendre notre décision. Elle serait en mesure de pourvoir à nos besoins en eau pour une décennie.
Malgré tout, cette perte de signal de nos sondes me fait réfléchir et il sera nécessaire de mener une enquête pour comprendre.
Dans douze heures, nous partons sur Osberan, à un peu plus de mille kilomètres au nord du point alpha. Le sonar, envoyé pour scanner la zone, nous a transmis des données étranges et inintelligibles. Nous allons devoir investiguer avant toute autre mission.
À partir de demain, je testerais un journal de bord dynamique, car j’aimerais conserver toutes les informations, même si elles ne sont pas importantes sur ce qu’il se passera. Je serais accompagné de trois personnes, Naëlys, Zohan et Ivy.
Petit descriptif de chacun :
Naëlys est une femme de trente-cinq ans, elle vient d’Amundsen, tout comme moi, et occupe le poste de xénozoologiste. Elle est spécialisée dans le comportement animalier. Nous avons imaginé que les êtres vivants osber pouvaient mimer des attitudes proches de ceux de la terre. Elle aura pour rôle de comprendre si nous avons affaire à des bêtes agressives ou pacifistes. Je ne connais pas particulièrement cette femme, mais elle m’a été conseillée pour cette mission.
Ivy est plus jeune de deux ans que Naëlys et est aussi xénobiologiste. Elle a fini majore de sa promotion il y a cinq ans. Sa thèse sur l’évolution accélérée, qui a eu lieu sur Gaïa pendant les cent dernières années, l'a propulsée sans difficulté vers son titre de docteur en biologie animale. Elle est là pour nous aider à discerner si des points communs existent avec la faune terrestre, et donc savoir si nous pourrions imaginer les domestiquer, nous en nourrir, ou si nous devrons nous en méfier.
Zohan, son compagnon de trente-quatre ans, lui, s’est distingué dans l’étude des plantes. Son parcours lui a permis de prétendre au poste d’xénobotaniste. Au vu de ce que nous avons pu apercevoir via tous les rapports des sondes, il aura beaucoup de travail.
Lui et sa femme, je les connais un peu, son caractère est particulier, mais il est très bon et j’ai toute confiance en lui pour garantir le succès de la mission. Quant ’à elle, elle m’a toujours semblé très impliquée dans tout ce qu'elle entreprenait.
Personnellement, je représenterais l’autorité et l’ingénierie dans sa globalité, je n’ai pas brillé dans mes études à différence des trois autres. Mais puisque l’amiral et son second ne sont plus avec nous, mon rôle est de les remplacer.
Jour « un » de l’exploration d’Osberan. C’est le moment ! Avec l’équipe, nous nous retrouvons dans le hangar face à notre compagnon, le petit vaisseau « le goéland. ». Emplis d’enthousiasme, nous sommes aussi très stressés à l’idée de poser le pied sur ce nouveau monde.
— Avant d’embarquer les gars, je m’autorise à vous faire une brève réunion préliminaire :
Voilà le programme. Descente sur le point bêta d’Osberan avec ce vaisseau devant vous. Notre navette a été préparée pour nous permettre de mettre en place un campement sécurisé sur la planète. Nous aurons de quoi manger et boire pour cinq jours. Nous ne savons pas sur quoi nous tomberons ! Ni même si nous trouverons de la nourriture et de l’eau consommable, en cas de besoins complémentaires. C’est donc une mission difficile, si vous ambitionnez de vous rétracter, c’est maintenant ! Après, il sera trop tard.
— C’est OK pour nous, on en a déjà parlé ensemble avant de venir et on ne laissera pas notre place. Pour aucune raison ! Avoir l’honneur de poser le pied sur un nouveau monde en premier, c’est juste un privilège incommensurable.
— C’est exactement ce que je souhaitais entendre alors on y va ! On ne traîne pas ! On monte dans l’appareil et une fois dedans on récapitule un peu plus en détail nos objectifs.
L’entrée dans la petite navette se fait dans un silence absolu, seul le bruit de nos pas sur le sol métallique résonne dans nos oreilles.
— Avant toute chose, il faut finir d’enfiler les combinaisons et s’assurer qu’elles sont opérationnelles. Après quoi, je prends les commandes, vous trois attachez-vous, ça va secouer. Naëlys Viens à côté de moi, tu seras ma copilote. Puisque tu as suivi la formation pour ça. Quant’ à vous deux, je suis désolé, mais vous allez devoir vous contenter de la soute, il y a deux sièges sécurisés pour vous.
— Merci pour le confort sommaire, si je rends tout ça, ce sera sympa avec le casque. Sortie Zohan
— Mais non, j’ai confiance en toi.
Nous sommes maintenant en place, je démarre le vaisseau. Voici les cinq grandes étapes :
Descente sur Osberan
Recherche d’un lieu d’atterrissage sûr et débarquement.
Construction d’un camp sécurisé pour nous quatre.
Exploration des alentours.
Et enfin prise d’échantillon et analyse de l’eau, prélèvement de fruits, petits animaux et insectes pour étude de comestibilité.
— Je vous préviens que la descente va être difficile, les gars ! Les relevés indiquent que l’atmosphère est plus épaisse que sur Gaïa. Attendez-vous donc à ce qu’il fasse très chaud, et que nous subissions pas mal de turbulence. Ce n’est pas nécessaire de me parler sauf pour une vraie urgence, j’ai besoin de me concentrer. De toute façon, ça risque d’être très bruyant.
La descente a, en effet, été assez violente, j’ai dû gérer cinq minutes de grosses galères. Heureusement, Naëlys m’a beaucoup aidé, plus d’une fois les angles de pénétrations ont dû être ajustés pour limiter la surchauffe, et au vu des capteurs, ça n’a pas été du goût de la navette :
– Ça y est les gars, on va se poser, je viens de localiser un point dans ce cadran. Objectifs, les abords de cette forêt. Je ne compte en revanche pas trop m’en approcher ! L’idée est de profiter d’une protection naturelle, tout en gardant un point de vue assez ouvert sur l’horizon. Zohan ? Ivy ? Tout va bien derrière.
– Pas vraiment, pas de casse, mais je ne risque pas de manger avant quelques heures, tu nous as bien secoués !
– J’ai agi comme j’ai pu, mais ce n’était pas évident, Naëlys est témoin, les paramètres préréglés n’étaient pas adaptés.
– Mouais ! Je dirais plutôt que tu ne voulais pas qu’on découvre les fruits d’ici avant toi. Mais d’accord ! à toi le plaisir de tout goûter en premier. Avec sa remarque, le regard vengeur d’Ivy en disait long sur sa façon de penser à cet instant.
Zohan répliquait.
– Mis à part ça, laisse-nous sortir qu’on puisse aller vomir tranquillement !
– Attends encore deux minutes, j’aimerais le retour du scan des capteurs extérieurs de la carlingue pour avoir la garanti que nous ne risquions rien.
– Il ne manquerait plus que ça, après avoir parcouru des milliards de kilomètres, on pourrait se retrouver sur une planète sans pouvoir y respirer, rassure-moi, ils n’auraient pas osé nous faire ça là-bas !
– Je suis sûr que non, mais rien ne nous empêche de…
« Ouverture manuelle de la trappe d’accès. »
– Eh, Zohan ! Tu ne vas pas bien ! Pourquoi as-tu fait ça ?
– Si je dois mourir asphyxié, je préfère encore ne pas le savoir alors à la poubelle les protocoles.
« Fin d’analyse : atmosphère compatible avec la physionomie humaine, présence d’aucun agent dangereux reconnu. Macro-détail de la composition de l’air : diazote, soixante-quinze pour cent ! Dioxygène, vingt-trois pour cent ! Dioxyde de carbone zéro, un demi-pour cent ! Ozone, argon, néon, hélium, traces. »
– Tu vois, de toute façon nous ne risquions rien !
– Ce n’est pas une raison, au moins, on aurait pu prendre cette décision ensemble.
– Écoute, je m’en excuse, mais si nous voulons avancer, il faudra probablement faire quelques raccourcis sur les protocoles. Nous ne sommes pas en territoire connus, ne l’oublie pas.
Une fois à l’extérieur, nous découvrons un air pur, comme nous n’avons jamais eu le plaisir d’avoir sur terre. Quel bonheur ! Et toutes ces odeurs.
Situation : comme attendu, les alentours sont dégagés, la lisière de la forêt est à une cinquantaine de mètres. Le plateau sur lequel nous nous trouvons nous offre un panorama à trois cent soixante degrés. De l’autre côté du vaisseau, une grande falaise nous accorde une protection naturelle contre toute invasion animale.
Les plantes sont très différentes de ce que nous avions sur terre. En réalité et dans les livres.
Ici, une part non négligeable d’entre elles sont violet et bleu, c’est assez dépaysant. Le sol est couvert d’une sorte de mousse vert et rougeâtre et ne ressemble en rien à l’herbe que nous avions sur Gaïa.
Les fleurs sont de toutes les tailles, et globalement, bien plus grosses que là d’où nous venons. La plus petite qu’il m’est permis de voir depuis mon point de vue fait déjà au moins quinze centimètres de diamètre, dès que j’aurais le temps, j’ajouterais quelques croquis pour illustrer et conserver tout cela.
La force de ces effluves est ce qui me trouble le plus. Agréables, mais un peu trop entêtantes. Cela nous assomme.
— La luminosité est perturbante, vous ne trouvez pas, elle est très intense et légèrement teintée de rouge. Probablement dû à l’étoile Tylonia.
« Résultat d’analyse spectrale, haut niveau d’ultra-violets présent à hauteur de sept pour cent du rayonnement reçu au sol. Le Type A est majoritaire. Présence importante de rayon de catégorie B ! Absence totale d’ultra-violet de type C !
Origine très possible de la source nuisible : Soleil Aleya ! Conclusion, risque modéré »
Attention, les gars, je vous déconseille de fixer l’étoile blanche, elle paraît être très irradiante. Regardez les relevés.
— Devons-nous nous protéger ?
— Après l’appareil de mesure non, on va pas mal bronzer. Ne vous inquiétez pas, c’est très en dessous des valeurs létales.
— Et maintenant que tous ces points sont sécurisés, que fait-on ? Peut-on se mettre au travail ?
— Zohan, j’ai l’impression que tu aimes le danger, occupe-toi de vérifier les abords de la forêt, n’y entre pas pour le moment ! Mais assure-toi, en gardant un œil dessus, que nous ne risquons rien en étant ici, je vais monter le campement autour de la navette avec Naëlys,
Ivy ajoute à cet instant :
— Et moi ?
— Reste en support de Zohan, ne sois pas trop proche de lui au cas où il faudrait intervenir. L’idéal serait que tu te positionnes en retrait pour avoir une vision d’ensemble. Et si quelque chose te semble étranger, n’hésite pas à lancer l’alerte.
— Dois-je comprendre que tu n’as pas confiance en moi ?
Lui balançait Zohan un peu énervé.
— Détrompe-toi, si ce n’était pas le cas, je ne te donnerais pas la mission la plus importante, prends bien conscience que notre sécurité est primordiale. On est quatre et j’aimerais qu’on reparte tous les quatre ! Après ces propos, chacun d’entre nous s’est affairé à sa tâche.
Naëlys devait s’occuper de disposer la barrière qui nous alerterait en cas de visite non souhaitée. À savoir quatre assez gros poteaux capables d’électrocuter tout intrus. Bien sûr, pas létal, mais suffisant pour sonner n’importe quelle créature de notre taille. Considérant que c’était très critique pour notre survie, je l’ai aidée pour préparer les trous et les fixer. Le système est simple et efficace. Nous devons tous nous munir d’un récepteur qui nous permet d’aller entre deux balises sans aucun risque. En revanche, si vous veniez à le perdre, lors du passage, vous ressentiriez une décharge électrique. Donc attention !
Pendant qu’elle s’occupait de creuser pour planter les poteaux, je me suis offert le privilège de définir nos latrines. Opération peu ragoûtante, mais vraiment indispensable pour notre confort sur le long terme.
Il est temps de faire un rapport de situation : la mise en place du camp nous a pris deux bonnes heures, et rien de particulier jusque-là. Quelques petites créatures originales ont bien pointé le bout de leur museau et fort heureusement aucune n’avait un comportement agressif. J’ai été surpris de voir qu’elles ne semblaient pas dérangées par notre présence.
Sur un autre registre, mon premier constat scientifique concerne la gravité ! En effet, celle-ci est plus forte que sur terre, et cela se ressent bien ! Ou peut-être est-ce parce que nous venons de passer six mois dans l’espace, et que notre entraînement n’a pas suffi à nous maintenir. Dans tous les cas, je suis éreinté. Pour cette nuit, nous avons ce qu’il nous faut, nous pouvons nous reposer et je n’en suis pas mécontent.
— Zohan, profites-en pour finir ton tour de guet et pour ramasser un peu de bois, nous devrons allumer un feu, la soirée s’annonce fraîche.
Tylonia est déjà en dessous de l’horizon. La luminosité d’Aleya, qui semblait si dangereuse ce matin, me paraît tellement insignifiante maintenant. Même sans la regarder directement, sa lueur est si faible, qu’elle n’est pas comparable à celle de la lune depuis la terre.
Dernière remarque, je constate qu’une espèce de halo est présent autour du soleil ! Il me perturbe un peu, il se comporte comme un brouillard épais.
Si vous êtes prêts tous les trois, rejoignez-moi au bord de la falaise, profitons du paysage. C’est vraiment magnifique depuis ce point de vue. Vous rendez-vous compte que dans le passé, sur Gaïa, nous pouvions jouir de ce genre de panorama ? Quel dommage ! J’espère qu’ici, nous ne referons pas les mêmes erreurs.
— Tu parais très inspiré, cher ami.
​
À nos pieds, d’assez grosses créatures. Elles ressemblent beaucoup à des girafes plus massives que celle que nous connaissions sur terre. Nous assistons à leur déplacement rapide, elles semblent vouloir s’éloigner de la lisière de la forêt sous-jacente.
Tout à coup ! Venant du sous-bois, une autre, difficilement descriptible, a fondu sur la géante la plus lente du groupe ! Cette dernière n’a pas eu la moindre chance. Le prédateur a joué de sa queue, une espèce de fouet énorme, pour immobiliser la proie en emmêlant les pattes arrière. Je regarde avec effrois le spectacle, tout en parlant avec mes compagnons. Devant nous, la malheureuse créature a été mise à mort. Après un rugissement puissant, des versions plus petites du chasseur accoururent, nous rappelant malgré la violence de la scène qu’il ne s’agit que du cycle naturel.
C’est avec un grand soulagement que nous prenons conscience d’être hors de portée. Notre position nous a maintenues en sécurité, ou tout du moins, c’est ce qui semble être le cas, bien qu’au fond de nous nous ne soyons pas du tout rassurés pour la soirée.
Naëlys prit la parole la première :
— Je ne sais pas vous, mais après ce que je viens de voir, je suggérais de dormir dans la navette ce soir. L’air, tout de suite, est frais, mais très lourd à cause de l’humidité. Et puis…
Ivy la coupait :
– Et puis tu n’es pas tranquille.
– Est-ce que quelqu’un ici l’est ? Honnêtement ?
Cet instant qui seulement cinq minutes plus tôt était idyllique s’est tout d’un coup transformé en un possible cauchemar. En voyant les visages de mes compagnons, je constate que la joie s’est peu à peu mue en peur.
— Puisque personne n’a l’air dans son assiette, allons dans la navette et fermons de la porte. Pour la suite, nous en reparlerons demain matin.
Ivy m’a suggéré de prévenir la flotte :
— Avant toute chose, doit-on informer les autres colons de notre découverte ?
— C’est totalement inutile, nous ne savons rien pour le moment, s’il est évident que cette créature nous a fichu une sacrée frousse, peut-être que le reste de cette planète est plus accueillante.
— Et pour la mission ? Est-elle remise en cause ?
Zohan décontracté se lève en rigolant :
– Est-ce que ce gros bestiau vous terrorise ? Arrêtez les filles, on est assez lourdement armés pour éviter les problèmes.
– Merci de faire ton macho, c’est tellement déplacé.
– D’aucune façon ! Je ne suis pas de ce genre-là, j’essaie seulement de relativiser la situation, c’est tout ! Mais après tout ! Si ça vous fait plaisir. Je sous-entendais juste qu’il ne faut pas avoir peur, je suis persuadé que, dans l’histoire de la terre, l’homme s’est trouvé dans des conditions bien plus fâcheuses.
— On arrête de se chamailler s’il vous plaît ! Demain, l’objectif sera toujours de se diriger vers la grotte d’où semblaient venir les signaux, on fera bien attention et c’est tout. En fait, je suis même content d’avoir pu assister à cette scène ce soir. Avec ce qui s’est passé, nous savons que nous devrons simplement rester sur nos gardes.
Le regard des filles en dit long sur mes derniers mots :
– Vision positive d’un moment de grande peur. Avez-vous bien pris conscience de ce qui s’est déroulé, les gars ?
– Bien sûr, mais nous ne pouvons rien y faire, et nous créer du stress maintenant ne nous aidera pas. Allons-nous coucher, nous verrons demain.
Rapport sur la journée passée : « La colonisation de cette planète ne se présente pas sous les meilleurs auspices, et je m’inquiète du débarquement. Le problème, c’est que nous n’avons pas vraiment le choix. Les vaisseaux n’ont pas particulièrement bien supporté le voyage jusqu’ici.
Et puis (…) tellement de choses étranges sont advenues depuis notre départ de la terre, et surtout, nous sommes seuls depuis que ce voyage mystérieux a débuté.
Pour le moment, l’équipe semble tenir encore un peu le coup, mais j’ai peur que cela ne change rapidement. »
« Bip, bip, bip, violation du périmètre de sécurité. »
Le réveil en sursaut, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé :
– Debout là-dedans, Naëlys, laisse-moi regarder à travers des hublots ! Dès que je te ferai signe allume l’éclairage de proximité.
– Je suis prête.
– Pour le moment, je ne vois rien. Ivy, démarre une analyse périphérique, je te prie.
– « Lancement du scan… Biiiip ! Détection d’une présence organique dans le périmètre de sécurité. »
– Observez bien tout autour. Constatez-vous quelque chose d’étrange ? Bon sang ! Où est-elle cette créature ?
Je regarde mes camarades courir dans tous les sens, jetant un rapide coup d’œil dehors :
– Rien de mon côté ! La barrière semble intègre.
– De même pour moi.
– Rien à signaler ici non plus. Tout est en parfait état.
– Naëlys, ce n’est qu’une question de rhétorique, car j’ai peu de doute, mais me confirmes-tu bien que tu aies activé les poteaux après les avoir installés hier ?
En me montrant de son doigt une lumière rouge clignotante, elle me répond en vitesse :
– Affirmatif ! regarde ! On aperçoit bien les DEL témoins.
– En effet, il faudrait sortir constater ce qu’il se passe, mais ce soir, c’est trop dangereux. Nous verrons demain matin. En attendant, mettons en place un tour de garde ! On ne sait jamais.
La voix grave de Zohan résonne dans l’appareil exigu :
– Tu changes du tout au tout dans tes propos, chef.
– Je n’ai pas le choix, nous sommes venus ici à quatre, nous repartirons à quatre. Zohan, prenons ensemble le premier quart. Les filles, retournez dormir, vous devrez nous remplacer dans deux heures. La nuit devrait durer tout au plus encore six heures.
À cet instant, j’espère que personne ne s’est rendu compte de ma voix légèrement tremblante. Car oui, je ne suis pas tranquille, en moins de vingt-quatre heures, nous avons déjà assisté à un taux de violence auquel nous ne sommes pas habitués.
– OK pour nous.
L’espace restreint de l’appareil ne présage aucunement un bon repos comme nous en aurions besoin, mais pour des raisons de sécurité, cela reste la meilleure solution.
Après deux autres quarts, Tylonia se lève, la luminosité me rappelle l’aurore sur terre, c’est très déroutant. Cette luminosité me remplit de sérénité, comme si un cauchemar se finissait bien. Entre-temps, la couleur du ciel est changeante, maintenant, il se pare d’un violet merveilleux et unique. C’est probablement le réveil d’Aleya.
Si mon raisonnement est juste, dans cinq minutes, il fera suffisamment jour pour constater ce qui s’est sans doute passé. Je reste très perturbé à cause de tous ces grincements que nous avons entendus depuis une bonne heure, un peu comme si quelque chose s’était frotté au vaisseau.
– Allez, les gars, il faut se lever !
Ma façon de les secouer trahit très probablement mon impatience… Ou mon mal-être brutal.
À peine, je leur laisse le temps de se redresser, que je les assiège de demandes :
– Ivy, ouvre l’écoutille pour découvrir ce qu’il s’est passé.
Elle attrape la poignée, la pousse, mais rien ne bouge, pourtant, je la vois y mettre de la force et recommencer l’opération avec chaque fois plus d’élan :
– Je n’y arrive pas, quelque chose la bloque !
Zohan, toujours aussi délicat, s’approche tout fier et écarte sans trop de ménagement Ivy :
– Laisse-moi faire ! Avant tout chose, est-ce que la porte est bien déverrouillée ?
Sur le panneau de commande, l’information est explicite :
– Je vérifie. Oui, c’est bon ! Dans le doute, je vais presser sur le bouton.
En appuyant dessus, pour revalider l’ordre d’ouverture, un faible grincement se fit encore entendre :
– Qu’est-ce que c’est que ce bruit ?
– Je ne sais pas, mais il ne s’est pas arrêté pendant tout mon dernier quart ! C’est pour cela que je voudrais sortir et vite découvrir ce que c’est.
Naëlys se dirigeait pour observer au travers de la verrière du cockpit :
– Euh les gars ! Venez voir.
En entrant dans le poste de pilotage, je regarde mes camarades, autant ébranlés que moi. Mon rôle de commandant m’oblige à garder une attitude aussi sûre que possible ! Je ravale rapidement ma grimace, et m’éclipse sans attendre pour notifier ce à quoi nous sommes confrontés dans le journal de bord :
« Rapport de situation exceptionnel. Une liane d’un bon centimètre de diamètre traverse la verrière, nous devons sortir nous dégager, et comprendre ce qu’il s’est passé. Est-ce en lien avec ce que j’ai entendu toute la nuit ? J’en suis presque sûr. Avant de tirer une quelconque conclusion, je vais devoir investiguer. »
– Zohan, accompagne-moi ! Il faut étudier ce truc et le retirer, cela bloque notre appareil. Dès que nous sommes OK, on récupère la barrière de confinement et on met les voiles de cet endroit.
– Mais, la mission ? Tu tenais à la faire hier soir après avoir vu cette drôle de créature dévorer la grosse girafe et d’un coup, à cause d’une liane, tu veux partir !
​
En posant mes mains sur les épaules de Zohan, je le regarde fixement :
— Hier, une créature en a bouffé une autre, certes nous y avons assisté, mais elle était loin et nous étions en sécurité ! A contrario, ce matin, une espèce de liane a violé notre périmètre, pour venir s’agripper à notre vaisseau. Je suis désolé de te dire que cela n’a rien à voir.
Tout de suite, c’est notre tranquillité qui m’importe. La mission, nous la poursuivrons, mais nous allons bouger le Goéland ailleurs. En espérant que cette saloperie n’a pas envie de nous suivre. Après, deux d’entre nous reviendront explorer la grotte que nous avons localisée, tandis que les deux autres resteront dans l’appareil prêt à repartir en cas de problème.
— Et si ce truc nous pourchasse, que fera-t-on ? Il faut bien que tous les colons s’installent. As-tu conscience que presque vingt mille personnes attendent là-haut de poser le pied sur la planète ?
— Oui, mais…
Zohan s’approche de moi ! Son rythme cardiaque est tel que je peux l’entendre, sa respiration accélérant, il me lance sèchement :
— Mais quoi ? Nos vaisseaux ne sont pas capables d’aller plus loin sans ravitaillement, à la rigueur nous pourrions nous déplacer jusqu’au dixième du trajet que nous avons fait depuis la terre, sauf que ce n’est pas possible. J’ai beau être botaniste, je sais qu’on a choisi un système solaire se trouvant dans un vide encore plus prononcé que notre bonne vieille planète. Comment avons-nous pu accepter une telle mission ? En fait, nous ne connaissons rien de cet endroit. Je veux dire que ce n’est pas qu’une simple exploration. Nous n’avons aucune information sur la flore d’Osberan, ni d’ailleurs sur sa faune. Tout ici est un potentiel danger.
Ivy et Naëlys nous ont rejoints entre temps. Encore perturbée, mais équipées et prêtes à sortir pour nous débarrasser de l’intrus. Leur venue est tombée à pique, car d’un coup la colère de Zohan a disparu pour laisser la place à un comportement bien plus protocolaire et plus fonctionnel pour la mission à venir.
— On est parée, chef, et nous n’avons pas envie de traîner ici ! Que doit-on faire ?
— OK, on récapitule, Ivy et moi faisons le tour par devant, Naëlys et Zohan par-derrière, dès qu’on voit quelque chose, on coupe, on brûle, enfin on fait ce qu’il faut pour dégager le Goéland. Et après on se barre. C’est bon pour vous ! J’ouvre le sas arrière en espérant qu’on peut le faire.
« Ouverture du sas en cours. »
Mais après cinq secondes, on a entendu
« Porte bloquée. Opération avortée ! »
Sans attendre, j’indique à mon équipe la suite des actions à mener :
— La liane s’est aussi immiscée sur la rampe d’accès arrière, elle s’ouvre juste assez pour que nous puissions sortir. Nous allons devoir nous faufiler par les interstices.
— Ne risque-t-on pas des problèmes en nous exposant ainsi ? Nous ne parvenons pas à voir quoi que ce soit.
— Zohan !
Rétorque alors Ivy :
— Tu es moins courageux d’un coup. Doit-on en rire ou en pleurer ?
— Moque-toi, ce qui se passe depuis hier ne me rassure pas, et oui, je suis stressé, non, je n’ai pas peur, mais j’aimerais quand même rentrer.
— On se calme tous, il faut nous occuper de cette liane. Naëlys, tu as une machette, on va déjà essayer de couper depuis ici, pour tenter d’ouvrir davantage.
Après pas mal d’effort, nous réussissons enfin à briser cette dernière.
— Relance la procédure de la porte s’il te plaît.
Ouverture du sas en cours.
Alors que le hayon était presque en bas, nous avons été secoués assez violemment.
Naëlys en tombant hurla :
— Qu’est-ce que c’est encore ?
On évacue le vaisseau, nous verrons à l’extérieur quoi faire.
Nous nous retrouvons dehors en deux minutes à assister à l’impensable. Des lianes sortent de terre. Pas très grosses, pourtant elles ont l’air bien fortes. Nous les observons enserrer la structure arrière. Puis dès que le mécanisme d’ouverture s’arrête, leur pousse se stoppe aussi.
Comment ? Pourquoi ? Nous devons contacter les instances supérieures. Cela dépasse nos capacités de réflexion seules.
— Zohan, Ivy, et Naëlys. Avec ce qu’il vient de se passer, je vais demander de l’aide pour nous épauler, cela est bien trop dangereux ici pour nous.
— Et que fait-on de la mission ?
— Elle a changé, maintenant le principal est de rester en vie. Vu l’état de notre appareil, cela devient compliqué.
Entre-temps, Zohan revient depuis l’autre côté du vaisseau :
— Bon pendant que vous parliez, je me suis permis de faire le tour, les lianes ont totalement encerclé notre navette, il va falloir se bouger pour le libérer.
Zohan, avant cela, je propose d’appeler la colonie.
​
Nous avons clairement besoin d’aide.
D’une voix très stressée, Zohan me regarde :
— Fait vite, on a beaucoup de travail !
Puis il va retrouver les filles.
Le temps que les trois s’arment de haches pour continuer l’arrachage, tant bien que mal, je retourne dans l’appareil par le même chemin. À bout de souffle, je réussis à passer en me vautrant royalement de l’autre côté. Ma chute produit alors un boom perceptible à l’extérieur.
J’entends depuis le dehors, les machettes qui s’arrêtent puis avec beaucoup de sarcasme, ils me lancent en cœur :
— Ça va là-dedans ! As-tu besoin d’un coup de main ?
Vexé, je me relève et tapote sur le panneau métallique à côté de moi :
— C’est bon, juste la précipitation. Je n’ai plus qu’à courir jusqu’au terminal pour démarrer l’appareil. Après quelques secondes, de nouvelles secousses se font sentir, les filles se mettent alors à hurler de peur. Je leur demande :
— Qu’est-ce qu’il se passe encore ? Qu’est-ce que c’est que ces cris, et ces vibrations ? Dites-moi. Sans réponse de leur part, et alerté par les turbulences, je pars les rejoindre aussi vite que possible.
— Ouf ! Vous semblez aller bien, mais pourquoi restiez-vous silencieuses ?
Naëlys, la main tremblante me montre les lianes. J’assiste, totalement désemparé, à un spectacle au-delà horrifiant, de nouvelles racines sortent de terre. Celles ayant précédemment poussé se mettent à fleurir et à grossir, et à nouveau, toutes grimpent le long de la structure et se dirigent vers la zone de stockage des batteries.
Je n’y ai pas pris garde, mais l’une d’elles a escaladé le Goéland. Subitement, un crac puissant retentit, suivi de la chute de l’antenne de transmission. Je ressens alors un grand moment de solitude quand je prends conscience que nous sommes maintenant seuls.
Ivy, s’agenouille de désespoir, puis se recroqueville. Zohan très bouleversé l’attrape dans ses bras, et fait signe à Naëlys de venir me voir, juste avant qu’elle ne craque à son tour.
Le fait qu’elles s’effondrent si vite nous oblige à Zohan et moi à intérioriser notre inquiétude. D’autant qu’en tant que chef d’équipe, je me dois de donner l’impression qu’à tout moment je garde le contrôle, et que j’ai une solution ! Mon objectif premier reste de ne pas davantage les apeurer. Autrement, elles ne seront plus en mesure de faire quoi que ce soit. Mais au fond de moi, je suis transi. Était-ce judicieux de venir ici, de quitter notre planète ? J’y crois encore un peu !
Alors que je divague dans mes pensées sur la marche à suivre, j’entends quelqu’un me parler :
— Que faisons-nous maintenant ?
Demande alors Ivy, d’une voix pleine de sanglots.
Son interpellation me rappelle à l’ordre, nous ne devons pas rester sans bouger.
— Nous avons toujours le tout-terrain dans la soute.
Propose Naëlys.
— C’est juste en effet ! Dégageons la rampe d’accès et une fois prêt, nous partirons.
— Et comment être sûr que ces tentacules ne ressortiront pas encore une fois ?
En écoutant la remarque de Naëlys, une idée m’a traversé la tête.
— As-tu pris le générateur portatif dans le vaisseau Zohan ?
— Oui, bien sûr, il est indispensable si on veut avoir de l’Énergie sur le campement.
— Si mon intuition est juste, même si nous pourrions en avoir besoin, nous ne pourrons jamais nous en servir ici. Il faut le récupérer et après cela, nous testerons quelque chose en bordure de la zone.
— Qu’as-tu en tête ?
Me rétorque-t-il !
— Je ne suis pas sûr et j’espère me tromper, mais chaque fois que les racines sont apparues, nous étions en train d’utiliser un appareil.
Se rapprochant de nous, Naëlys sursaute et nous interrompt :
— Non ? Voudrais-tu dire que… ? !
— J’en ai bien peur. Oui.
Lui dis-je alors en baissant le front.
— C’est un véritable cauchemar. Comment allons-nous nous en sortir ? On n’a plus aucun moyen de contacter la flotte, notre sécurité ici est compromise. As-tu quelque chose pour nous rassurer un peu ?
Zohan me hurle dessus, d’une façon qu’il ne s’est jamais autorisé à le faire ! Je ne peux tout simplement pas lui en vouloir. Tout ce qu’il vient de me dire est juste. J’ai des frissons dans le dos, tellement notre situation est catastrophique. Mais je dois garder mon calme. Je lui réponds :
— Écoute, si nous commençons à paniquer, nous n’aurons aucune chance.
Une heure durant, nous prenons toutes les précautions pour couper une à une les lianes qui obstruent la rampe d’accès, quand enfin la dernière lâche. De peur que quelque chose n’arrive, j’entre doucement dans la navette et déverrouille le frein de fermeture de la porte :
— Attention, éloignez-vous, elle devrait tomber brusquement !
Naëlys m’annonce alors :
— C’est bon, tu peux y aller !
Je tire la manivelle, et comme attendu la passerelle s’effondre violemment au sol, et se plie légèrement sous la force de l’impact.
— Venez maintenant ! Il faut charger le 4x4 de tout ce dont nous aurons besoin, on ne se contente que de ce qui est vital. De la nourriture, des couvertures, de l’eau, tout ce qu’on a, et enfin quelques armes. Après quoi. Montons tous dans le tout-terrain ! Je ne le démarrerais qu’au dernier moment, alors j’espère sincèrement qu’il fonctionnera sans aucun accroc.
— Mais, au fait, ajoute Zohan, n’y a-t-il pas une radio dans le véhicule qu’on pourrait utiliser ?
— Si bien sûr, mais il est peu probable que nous puissions joindre la flotte. Sa puissance est très faible, je ne garantis pas qu’elle pourra atteindre les vaisseaux les plus proches.
Encore un peu plus tard, nous sommes fins près au départ. Je démarre le rover et aussitôt, j’appuie sur l’accélérateur. La descente de la rampe se fait en un clin d’œil, et sans me retourner, je trace le plus loin possible de cet endroit.
Ivy regarde en arrière, et se met à hurler à en couvrir le bruit du véhicule :
— Mon Dieu, ces fichues lianes ressortent de terre, et elles nous pourchassent. Mais c’est quoi cette malédiction, cela ne s’arrêtera jamais ?
— Ivy, s’il te plaît, peux-tu me dire si le Goéland est attaqué lui aussi ? Je lui pose alors une question :
— Hein ? En quoi, c’est important ? C’est nous qui devons survivre, pas le vaisseau !
— Dis-moi, vite, j’ai besoin de savoir, cela pourrait m’aider à appréhender ou non.
— Nous sommes très loin maintenant, mais il ne m’a pas semblé, seulement, je ne peux pas en être sûre.
— OK, alors je vais tenter quelque chose.
Zohan d’un air suspicieux m’interroge :
— Et quoi donc ?
Tellement pris dans mon effort de compréhension du problème, je n’ai pas fait attention à sa remarque et avait déjà coupé l’alimentation du rover.
— Qu’est-ce qui arrive ?
Me rétorquent les trois en sentant la voiture ralentir. Avec beaucoup d’assurance, je leur réponds :
— J’ai arrêté le moteur parce que c’est nécessaire. Si ce truc peut avoir un lien ou non avec ce qu’il se passe, c’est la seule façon, et de toute façon, je reste en roue libre pour continuer d’avancer.
— Mais ! Mais tu es fou ! Tu veux notre mort ! Redémarre !
Me décoche Zohan, en se précipitant sur le contact.
Avant même qu’il ne puisse y toucher, j’intercepte sa main et la balance en arrière :
— Arrête et observe derrière. Ce que je supputais à l’air de se confirmer. Je constatais, par les rétroviseurs, que les lianes avaient stoppé leur course effrénée pour nous rattraper. Comme il est dubitatif vis-à-vis de ce que je viens de lui dire, je vais tenter d’être plus explicite. Regarde maintenant, elles ne nous suivent plus.
— Mais pourquoi ?
Il me répond, interloqué. Aucun des trois ne comprenait mon approche :
— Tu nous expliques plutôt que de tout garder pour toi.
— Je pense que les lianes réagissent à quelque chose qui est produit par nos technologies, je n’en suis pas totalement convaincu encore, mais tout ce que j’ai fait jusque-là, à l’air le confirmer.
— Tu te rends compte de ce que tu nous dis ! Seraient-elles dotées de conscience ? Et dès qu’on ferait fonctionner des appareils répliqueraient-elles de cette façon ? C’est juste tellement improbable.
À les entendre, j’avoue que ma remarque peut sembler folle, mais c’est la seule théorie qui pourrait répondre à mes hypothèses.
— Que voulez-vous, j’ai aussi du mal avec cette idée, mais avec du recul, elle tient la route.
Je vois bien qu’ils ne trouvaient pas mon propos crédible, cela changea après l’intervention Ivy :
— Et pourquoi pas après tout ? Dans les livres d’histoire, quelques biologistes ont bien identifié quelques plantes de la famille des acacias entre autres, capables de réagir, en produisant des phéromones, pour se protéger de troupeau de mangeurs de feuilles.
Pouvez-vous imaginer qu’une plante réagisse à quelque chose qui se produit lorsque nous utilisons de la technologie ?
En réfléchissant aux propos d’Ivy, je ne peux que trembler d’effrois. Je ne sais comment avertir la flotte, les radios qui fonctionnent encore n’ont pas la capacité de communiquer sur une si grande distance. Je dois me changer les idées. Peut-être que la solution m’apparaîtra évidente lorsque j’aurai repris mon sang-froid. :
— Les gars, nous devons dans un premier temps refaire un campement, à l’ancienne, nous n’avons pas le choix.
— Où souhaites-tu aller comme ça ?
Alors que je maintiens le véhicule en « roue-libre » autant que possible avec pour objectif de nous éloigner de cet endroit, je me surprends à penser à des milliers de choses, mais surtout à me questionner sur ma présence ici.
Naëlys, qui fixait l’est du coin de l’œil, nous interpelle brusquement. :
— Regardez là-bas ! On dirait une grotte, plutôt grande, avec un point de vue très dégagé.
— Allons-y, c’est notre meilleure option.
D’un coup de volant subtilement dosé pour ne pas freiner, j’oriente la jeep pour profiter de la faible descente qui nous sépare de notre futur habitat. Il continue de cumuler de la vitesse, que je gère, pour qu’on ne finisse pas par nous écraser contre la falaise.
En s’approchant, on comprend que la grotte qu’a identifiée Naëlys est en hauteur. Pour y accéder, il faudra passer par une petite corniche. On ne sait jamais, cela pourra nous être utile.
Zohan est resté silencieux un long moment, avant de se proposer pour aller chasser. :
— Dès que nous serons en bas, je partirai chercher à manger et du bois pour faire un feu. Ivy, veux-tu m’accompagner ?
— Oui, j’aimerais changer d’air un peu pour m’oxygéner la tête, et profiter pour explorer.
D’un regard furtif, je balaie rapidement le visage de mes trois compagnons, je discerne la tristesse, presque le désespoir, je souhaite que tout aille mieux à partir de maintenant. Autant que je puisse, je vais essayer de les encourager pour maintenir la cohésion :
— C’est une très bonne idée, il faudra faire attention tous les deux, je suis sûr que cette planète nous cache encore bien des choses !
Voilà trois jours que nous sommes bloqués sur Osberan sans aucune nouvelle de personne, Zohan et moi avons autant que possible tenté de construire un semblant d’abris dans la grotte, Ivy et Naëlys se sont senti l’âme d’exploratrices. Avec des torches, elles ont fouillé les environs proches de l’intérieur de la cavité et ont découvert de l’eau. Annonce que nous avons reçue avec beaucoup de soulagement, ainsi, nous limiterons nos sorties de notre refuge uniquement pour la nourriture.
— Zohan ! Te penses-tu capable d’aller chasser demain matin ? Nous n’avons presque plus de réserve de survie. Les filles, que préférez-vous faire ? Venir avec nous, ou bien rester au campement !
— J’aimerais découvrir les abords de la grotte, la flore ici est d’une richesse. Je ne suis même pas sûr qu’à un quelconque moment sur terre une si petite surface ait pu accueillir autant de variété de vie. Et puis sans te cacher, en arrivant avec le buggy, j’ai vu sur le chemin une plante de taille moyenne, mais d’une couleur rouge violacé magnifique.
Ivy, qui nous écoutait, s’approche de nous et interrompt presque Naëlys, veux-tu parler de cette plante avec des tiges longilignes, munies de poids en forme de navettes à chaque bout ?
Surprise, Naëlys reprend aussitôt la parole :
— Oh, tu l’as donc remarquée toi aussi.
— Il n’était pas possible de passer à côté. D’autant qu’il m’a semblé que sa couleur variait sensiblement et qu’elle bougeait.
À ces propos, je me suis senti obligé d’intervenir :
— Si elle se meut, méfiez-vous parce que jusqu’à maintenant, nous n’avons eu aucun cadeau, j’aimerais que nous soyons tous les quatre sauvés, lorsque l’aide arrivera.
Zohan m’attrape par le bras et m’emmène un peu en retrait dans la grotte, pendant ce temps, je regarde les filles se préparer en faisant fi de ce que je viens de leur dire, enfin, c’est l’impression qu’elles me donnent.
— Arin, je crois qu’il ne faut pas se bercer d’illusions, ici, nous n’avons même pas une balise, rien ! Et tu penses que nous serons retrouvés !
Ses paroles font écho dans ma tête, au fond, il a raison, mais je n’arrive pas à m’y faire.
Avant même que je ne lui réponde, il continue de m’étaler son raisonnement :
— Nous avons parlé Ivy, Naëlys et moi.
Je lui rétorque, choqué :
— Quoi ? Dans mon dos, contre-moi, j’imagine. Qu’ai-je fait de mal ?
Se voulant rassurant, Zohan prend toutes les précautions pour me calmer. :
— Arrête ! Nous avons confiance en toi, tous les trois, la question ne se pose pas, mais nous pensons que tu nous surprotèges. Regarde tout autour de toi, on y est jusqu’au cou. Laisse faire les choses. Tu te créais bien plus d’obligations que nécessaire, on est ici pour longtemps. Que tu souhaites nous garder en vie oui, mais oublies une bonne fois pour toutes cette histoire de sauvetage, cela ne viendra peut-être pas, alors dans le doute, considérons que cela ne sera jamais !
Quel électro-choc, pourtant ô combien indispensable :
— Merci, Zohan, j’avais besoin que quelqu’un me parle plus directement.
Le temps que nous revenions, les filles étaient déjà parties en vadrouille, après ce discours, je n’ose rien dire, mais je n’espère qu’une chose, c’est qu’il ne leur arrivera rien.
— Allons les rejoindre. Tu constateras que tout se passera bien. Ni une ni deux, nous redescendions de l’abri. Par sécurité, nous en sortions armés, afin d’assurer notre protection en cas de besoin.
— Elles ont pris une sacrée avance, je ne les vois nulle part.
Nous les avons cherchées pendant une longue période, sans trouver la moindre trace. Et à force de fouiller, nous tombions même sur la fameuse plante dont parlaient Ivy et Naëlys. Ce qui me rendit très interrogatif :
— Cela ne me plaît pas, c’est ici qu’elles sont censées être. Curieusement, je me suis laissé absorber par le pouvoir hypnotisant du végétal. J’ai pu constater qu’elle ne présente aucun danger. :
— Tu as eu raison, Zohan, elle bouge. En revanche, regarde, je peux l’attraper, elle ne m’attaque pas. En me tournant vers Zohan, je vois qu’il est particulièrement inquiet, la plante ne l’importe pas vraiment pour le moment, il fouille les alentours, en s’approchant de moi, il se met à hurler :
— Naëlys, Ivy ? Où êtes-vous ?
Puis découragé par le silence qui s’en suit, il renchérit :
— Bien évidemment aucune réponse, en tout pas celle qu’on attendait.
Tout autour, nous pouvons entendre une multitude de petits grognements, j’attrape mon arme, Zohan, aussi, ne sachant pas d’où cela vient, nous nous collons dos à dos.
Zohan me tapote le dos avec son coude et ajoute très doucement :
— Arin, vois-tu quelque chose ?
— Rien pour l’instant. Sauf que quelque chose en face de moi semble s’approcher. Je perçois comme un bruissement de feuilles piétinées.
— Pareil de mon côté. Combien peuvent-ils être ?
Maintenant, en plus du brouillage toujours plus présent, je peux observer le mouvement, les buissons, le stress, nous dérègle l’estomac. En insistant sur chaque mot, et tout en parlant bas, je continue de fixer l’orée :
— Il ne faut pas avoir peur. Toute attitude de ce genre de notre part sera, si cela se passe comme sur Gaïa, interprétée tel un aveu de faiblesse par ces créatures,
— Tu es marrant toi. Je n’ai pas la moindre idée de ce qui nous prend en chasse et nous tourne autour et encore moins leur nombre, et tu voudrais que je reste tranquille.
— Avant de quitter la terre, je pistais beaucoup, je ne rentrerais pas dans les détails, mais gère au mieux. Notre survie en dépend.
Ça y est, l’une des créatures sort son museau, il doit bien faire une quinzaine de kilos. Un mélange entre un félin et un lapin, je ne sais pas trop comment le décrire autrement. Son approche est calculée. Avec un regard noir et profond, il me fixe et grogne. Il me donne l’impression de me craindre. Veut-il m’attaquer ou défendre quelque chose ?
Un hurlement bestial grave résonne jusqu’à nous ! L’animal qui me fait face, distrait, se met à scruter dans la direction, d’où provient cet effroyable cri, puis me dévisage une nouvelle fois. Comme apeuré, toutes les créatures encore cachées sur ma droite sortent en courant rejoindre le premier. Elles se regardent, et ne nous prêtent plus attention. Au lieu de cela, elles préfèrent détaler vers ma gauche.
En voyant cela, je hurle instinctivement sur Zohan :
— Cours ! Suis-les vite.
Nous avons dû courir cinq minutes, à en perdre haleine ! J’ai encore du mal à reprendre mon souffle, nous devions absolument rester aussi proches que possible de ces chats étranges. Grâce à cette technique, notre prédateur ne savait plus où donner de la tête.
Notre salut, nous ne le devions qu’à l’approche d’un troupeau d’herbivores massif au long cou. Le gros carnassier a, sans hésiter, changé de proie.
Dès qu’il le put, Zohan me dit :
— Quelle chance nous avons eue ! As-tu vu cet animal, et sa mâchoire, il aurait pu nous gober d’une traite. Il devait bien mesurer cinq mètres de long. Si j’avais dû le comparer à une créature terrestre, il m’a fait penser à une sorte de T. Rex, si je ne me trompe pas.
Je lui rétorque alors :
— Ivy aurait sans nul doute pu nous confirmer cela. Mais où peuvent-elles bien se trouver ?
À cet instant, j’ai l’impression d’avoir perdu toute compétence de leader, les filles ne m’ont pas écouté, et j’ai peur de ne pas les retrouver. J’ai mis la sécurité de tous mes subordonnés en danger, et pire, Zohan semble mieux gérer que moi la situation.
— Retournons au campement, nous aviserons plus tard.
Me dit-il.
En trottant pour gagner un peu de temps, nous repartons vers notre bivouac. Sans grand espoir, nous appelons Ivy et Naëlys depuis le pied de la rampe desservant la grotte, et après trois tentatives. :
— Oui, nous sommes là, mais arrêtez de hurler ! Nous avons besoin de calme.
nous montons à toute allure, interpellés par leur réponse :
— Que se passe-t-il ?
Une fois en haut, nous les découvrons toutes les deux, affairées autour de quelque chose. Ivy nous tourne le dos, et j’aperçois furtivement Naëlys qui en levant la tête nous fait un geste de la main et ajoute :
— Venez voir ici ! Ne vous inquiétez pas, tout va bien !
En nous approchant, je comprends que les filles ont rapporté la version miniature d’un de ces chats étranges :
— Mais, qu’est-ce que vous faites avec cet animal ? Ils ont failli nous tuer à Zohan et à moi, et maintenant vous en avez carrément pris un avec vous, et vous l’avez même embarqué jusqu’au campement.
Je bouillonne intérieurement de colère, jusqu’à ne plus pouvoir me retenir.
Me baissant pour le ramasser et le sortir de notre habitat, il me donne un coup de griffe, qui me marque la main :
— Il m’a fait mal ce sale bestiau ! Qu’est-ce qu’il vous est passé par la tête ?
Naëlys se dresse face à moi tandis qu’Ivy tente de calmer l’animal que je vois gigoter dans tous les sens.
Elle caresse doucement la créature en lui disant :
— Chut ! Reste tranquille toi.
Naëlys, quant'à elle, prend un ton plus dur et sec avec moi :
— Regarde-le, c’est probablement un petit, nous l’avons trouvé emberlificoté dans une plante très mystérieuse. Une sorte de liane qui n’avait pas particulièrement l’air commode. Si tu veux, la voici.
Elle me jette alors cette étrange branche couverte de filament, ces derniers semblent collants et urticants.
Tout ce qui venait de se passer me laissait amorphe, au point d’en perdre toute velléité de les sermonner. En revanche, le contact avec cette plante devient insupportable, comme une agression, et je ne peux m’empêcher d’ajouter :
— Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? Ça s’agrippe à moi et ça me démange partout.
C’est à cet instant qu’Ivy m’invita à m’approcher d’elle. Elle me fit signe de regarder sur la peau de l’animal :
— Constate par toi même que ça ne fait pas que ça. Observe ces espèces de traces rouges, cela ressemble à des morsures, lorsque nous l’avons vu à couiner, nous ne pouvions rester insensibles.
Il se débattait et nous dévisageait comme pour nous supplier de l’aider. Eh oui, Monsieur ! C’est ce que nous avons fait. Mais après ça, il n’était pas question de le laisser à son sort, c’est probablement un bébé abandonné. Une fois libéré, il s’est collé à nous. J’ai bien essayé une ou deux fois de le pousser à retourner avec les siens, mais il semblait perdu, aussi systématiquement il revenait vers nous. C’est là qu’on a décidé de rentrer avec lui.
Je demandais alors :
— Et la liane ? Vous étiez parti voir une plante. Est-ce celle que tu viens de me donner ?
— Non pas du tout ! Nous ne l’avons pas retrouvé, en faisant le chemin inverse, lorsque nous avons entendu ses cris, nous avons sitôt bifurqué.
— Et que fait-on de cet animal alors, maintenant qu’il est là ?
— Et bien, pour le moment, on va avancer pas à pas. On va commencer par trouver à manger pour tout le monde, je vois que personne n’a rien rapporté, et nous-mêmes n’avons pas pu faire ce que nous avions prévu. Ensuite, on va réfléchir à quoi faire de lui, mais si tu n’émets aucune objection, j’aimerais qu’on prenne le temps de le soigner. Ou alors préfères-tu qu’on le sorte d’ici qu’on l’abandonne à son sort ? En tenant compte son état, il n’a aucune chance.
Avec du recul, je me dis que son air sarcastique est un peu déplaisant, mais ne fait qu’enfoncer une certaine réalité, sur le premier point, nous n’avions toujours rien à manger ! En ce qui concerne le second problème. Même si tout à l’heure, nous étions en mauvaise posture avec les gros chats, je ne peux pas agir de façon binaire, avec un en modèle réduit. D’autant que lui nous demande de l’aide.
Zohan me sort de mes pensées lorsqu’il se met à expliquer pourquoi nous sommes revenues bredouilles :
— Non ! Nous avons été attaqués justement par la version adulte de celui que vous venez d’apporter ici. Peut-être comprendrez-vous mieux notre réaction. Et pour ne rien simplifier, nous avons été sauvés. Si on peut dire ! Parce qu’une sorte de monstre est apparu. D’ailleurs, j’ai trouvé qu’il ressemblait à cette créature du passé qui sur Gaïa s’appelait un T Rex.
Prise d’un rictus mimant le rire, les filles nous regardant d’un air signifiant bien leur suspicion, puis elles nous ont achevés avec une gentille remarque :
— Soit, on va vous croire pour cette fois.
Quelques minutes plus tard, après avoir pris le temps de nous préparer, nous voilà repartis en chasse. Cette fois, j’accompagne Naëlys pendant qu’Ivy et Zohan restent à la grotte. Ils doivent rapporter encore un peu d’eau et s’occuper du bestiau.
Nous avons cherché une heure avec Naëlys, pour finalement tomber sur une créature à l’air étrange, un corps long, qui se pliait comme celui d’une chenille lorsqu’elle avance. Une tête horrible avec des yeux globuleux. À croire que son moyen de défense sur cette planète, c’est de n’être pas du tout appétissante. Mais par manque de cible, nous nous sommes contentés de chasser cette dernière.
En fait, elle n’est pas simple à tuer. Bien qu’elle ne semble pas être agressive, elle est rapide, parvient à monter aux arbres aussi efficacement qu’un serpent et sait même attraper les fruits pour nous les balancer. C’est plutôt douloureux. Encore une heure plus tard, on a pu avec Naëlys profiter d’une chute par maladresse de la créature, pour l’achever.
Fabrication très artisanale d’un moyen de portage de la bête et retour au campement.
En arrivant, nous appelons Zohan et Ivy, mais aucune réponse. Le chaton est toujours là à dormir, mais il n’y avait aucune trace de nos deux camarades.
Dans le doute, nous posons le gibier en lieu sûr, puis nous effectuons une recherche d’abord dans les proches profondeurs de la grotte, puis dans les alentours directs. Aucune preuve de la présence de Zohan et Ivy, pas plus de combats avec une quelconque créature.
Naëlys se met à paniquer un peu, moi-même, n’étant pas très rassuré. Je ne sais pas comment gérer. À défaut, je lui propose que l’on s’occupe de cuisiner. On prépare alors un feu à la lisière de l’abri. Puis on embroche l’animal, juste au-dessus, avec un peu de chance. Nos amis seront rentrés avant le coucher et seront guidés par la lumière de notre brasier.
Quelle erreur de jugement hélas, car une fois la nuit tombée, personne n’est de retour. Le choc émotionnel est lourd à porter ! Depuis que nous avons débarqué tout est compliqué, plus de vaisseau, plus de radio pour contacter la flotte, et même plus de Jeeps pour se déplacer. De toute façon, à chaque utilisation d’une technologie, cela a été un désastre. J’aurais aimé au moins prévenir les autres colons, mais je ne saurais pas expliquer où nous sommes.
— Naëlys, veux-tu que nous retournions sur le site d’atterrissage du vaisseau demain ? Peut-être qu’un autre groupe passant dans la zone l’aura vu et que par conséquent ils auront lancé une équipe de recherche à notre rencontre, qu’en penses-tu ?
— Mais, et concernant Zohan et Ivy, nous n’allons pas les abandonner !
Elle me fixe les yeux humides, son visage marqué par la fatigue des épreuves à répétition.
Le chaton profite de ce que je suis en train d’avaler un bout de viande pour se faufiler dans mes bras, demander des caresses et participer au repas. Le silence se faisant de plus en plus pesant, je la regarde à mon tour, réfléchissant à ce que je pourrais lui dire en retour :
— Non ! Bien sûr, l’idéal serait de laisser un message sur l’une des pierres, bien en vue, leur disant que nous sommes répartis au vaisseau, et que nous reviendrons les chercher dès que nous-mêmes aurons été sauvés.
— Soit ! Me répond-elle sans conviction :
— Faisons ainsi alors.
Puis elle se tourne pour s’endormir, épuisée.
Je me retrouve seul, avec l’animal. À me demander si c’est un mâle ou une femelle, je suis tellement perdu. Je suis surpris de me poser ce genre de question. Ce que je trouve risible dans la situation c’est son comportement aussi proche que celui d’un chat. Et qu’il soit finalement une source de quiétude alors même que ses compères voulaient me dévorer quelques heures plus tôt.
Sa ressemblance physique est étonnante.
Comme quoi. Je devrais arrêter d’avoir des idées préconçues. Elles ne sont pas toujours bonnes à suivre.
Je repense alors à mes compagnons.
Au fond de moi, je m’entends dire à Ivy, je suis navré d’avoir agi ainsi tout à l’heure.
Ton approche était celle qu’on aurait dû prendre, j’aurais dû le voir.
Je recharge le brasier avant de me coucher, me lève pour faire de nouveau un tour d’horizon. Depuis les hauteurs de la grotte, je jette un œil, si par le plus grand des hasards, je pouvais les localiser, ou à défaut constater la présence d’un feu, me signalant qu’ils sont toujours en vie. Mais rien, dans le doute, je vérifie aussi vers les profondeurs de notre habitat, mais rien. Rien du tout ! Résigné, je me dis qu’il est de toute façon trop tard pour continuer les recherches, et notre groupe, enfin ce qu’il en reste, est bien trop fragile pour faire quoi que ce soit.
Je m’installe à côté du feu, le chaton s’approche de moi une fois de plus pour me demander quelques caresses. Lui, dont ses parents voulaient me dévorer, semble tout à coup si câlin. En m’allongeant, il vient se blottir contre moi. Sa présence me berce.
Le lendemain matin, mon nouveau compagnon me réveille en me léchant le nez, son haleine peu agréable me sort rapidement de mes rêves. Cela fait bien belle lurette que je n’ai pas aussi bien dormi, me dis-je alors. Je m’assieds, j’ai la tête lourde, et quand je la tourne dans tous les sens pour me refamiliariser avec mon environnement, Ivy n’est plus là. Aussitôt, la panique me submerge. Je l’appelle, mais je n’ai pas de réponse ! Encore une fois, une personne de mon équipe disparaît. Pourtant, comme précédemment, je ne trouve rien d’anormal, pas même un message ! Désemparé, je regarde le petit animal, et me mets à lui parler :
— As-tu vu quelque chose toi ?
En guise de réponse, il baisse ses oreilles et incline la tête.
— Tu ne me comprends pas, pourquoi me mets-je à te parler ? Sûrement l’épuisement moral. Que faut-il faire d’après toi ? Est-ce qu’on tente de le retrouver ?
Sans plus attendre, j’attrape le peu de nourriture qu’il me reste, je jette le tout dans un sac de fortune et redescends de la caverne sans trop me soucier des dangers. Je recherche mes trois compagnons pendant plus de deux heures, et plus le temps passe, plus je perds espoir de les croiser à nouveau.
Désillusionné, je retourne au campement avec la croyance que peut-être l’un d’eux au moins serait là, mais non ! Je suis seul, perdu sur une planète qui ne veut pas de moi. Ma dernière chance est de repartir au vaisseau et souhaiter pouvoir réussir à faire fonctionner la radio, avant que cette fichue racine ne me rende l’opération impossible. La nuit devrait tomber d’ici trois ou quatre heures, aussi, je me hâte.
En marchant, je recroise le buggy, il semble avoir déjà souffert en peu de jours. Dans le doute, je regarde à l’intérieur si j’ai quelque chose à récupérer. Juste un feu de détresse. Je le prends. Sait-on jamais, je pourrais l’utiliser une fois au Goéland et avec un peu de chance, quelqu’un le verra.
Une heure avant le coucher du soleil, j’arrive sur la zone d’atterrissage du vaisseau. J’ai la bonne surprise de constater que les lianes semblent être totalement desséchées. Cela me donne de l’espoir pour la suite. Les sas de l’appareil sont grand ouverts, mettant à nu son intérieur. Quand je m’approche, et y jette un œil, c’est avec effrois que je découvre que ce dernier est dans un état de délabrement très avancé. Je tourne autour de la navette et saisis un bâton, avec lequel je tente de dégager le vaisseau de ses étreintes. Et puis, j’aimerais m’assurer qu’il est toujours utilisable. Les racines se délitent comme de simples brindilles sèches dès que je les touche, puis elles tombent en poussière. Une fois libérée, la carlingue m’apparaît scarifiée. J’imagine sans mal la puissance avec laquelle cette plante a dû broyer mon appareil. Je dois encore monter sur le Goéland, vérifier l’état de l’antenne. Pitoyable ! Elle a été arrachée à ma grande désolation, et mise dans un tel état qu’aucune réparation n’est envisageable. Le peu d’espoir que j’avais fond peu à peu. Je me laisse alors divaguer dans des idées obscures et finis par ne plus faire attention à mon entourage.
Dans mes plus sombres pensées, j’entends le chaton encore en bas du vaisseau. Il miaule avec insistance. Il tourne en rond et semble perturbé. Que me veut-il ? Je n’ai pas la tête à ça ! Puis comme des sortes de vibrations régulières me ramènent à la réalité. Serait-ce une grosse créature en train de s’approcher ? Dans le doute, je me laisse glisser jusqu’à mon compagnon et lui tends les bras pour l’empoigner. Il s’élance pour se blottir contre moi sans la moindre hésitation. En tournant la tête dans tous les sens, je cherche un endroit abrité et discret, sentant chaque seconde des secousses plus fortes que les précédentes. Mon dernier espoir. Il ne me reste que mon refuge de métal, et je commence à m’y diriger. J’entre avec une certaine appréhension. Il grince de partout, j’ai l’impression qu’il va tomber en morceau, mais je n’ai pas le choix, c’est le seul lieu où je peux disparaître. Il y fait sombre. Au fond de la cale, je repère une caisse suffisamment grosse pour que nous nous y cachions tous les deux.
Le petit animal semble avoir bien compris ce que je voulais faire, car depuis que je le tiens il ne fait plus aucun bruit et se laisse porter sans résistance. Pourtant, je vois bien qu’il est terrorisé. Je suis flatté par la confiance qu’il m’offre, et en même temps, cela ne me rassure pas du tout. Hélas, je n’ai pas le temps de me poser toutes ces questions, en effet, les vibrations se rapprochent dangereusement au point qu’elles se ressentent dans l’habitacle de l’appareil.
Une clef qui tenait en équilibre sur la console de contrôle, tombe alors sur le sol dans un fracas monstrueux. Je sens monter en moi un courant glacé de stress et de peur. Au point que je me surprends à prier que rien ne m’arrive, moi qui n’ai jamais cru en tout cela. Ce bruit intense précède un silence pesant et en aucun cas rassurant, je ne ressens plus la moindre secousse. Est-il parti ? S’est-il arrêté ?
Brusquement, un vacarme effroyable résonne jusque dans mes os. Aussitôt, le chaton saute de mes bras, pour fuir, se cacher derrière moi.
Juste après cela, encore une fois le calme s’installe, encore plus gênant que la première fois, ne pouvant supporter de ne rien observer. Je saisis l’instant pour jeter un coup d’œil avec toute la prudence nécessaire, j’essaie de repérer l’envahisseur ! Impossible de le voir !
Il est certainement dans un angle mort. Oui, mais non ! Il choisit ce moment pour faire glisser son museau au travers de la rampe, il est énorme. L’animal renifle à l’intérieur ! Angoissé par cette vision, je me retourne vers mon petit protégé, et le découvre tremblant, à redouter le pire. Il est tellement stressé qu’il commence à sortir les griffes, son poil gonfle et il dégage une odeur forte.
Je jette de nouveau un œil furtif vers le sas, j’ai juste le temps de l’apercevoir un peu plus, avant qu’il ne se retire de l’entrée du vaisseau. Il a une tête allongée pourvue de deux trous en guise de narine. Ses yeux énormes débordent de leurs orbites et présentent un iris cyan presque lumineux, la pupille d’un noir profond est scindée en deux. Le fait qu’ils soient placés de part et d’autre du crâne me laisse supposer qu’il s’agit d’une proie et non un prédateur. Cela me soulage un peu, c’est l’occasion de me détendre, et de m’occuper de tranquilliser mon compagnon de fortune. L’animal me faisant penser à un chat, naturellement, je lui gratte sous le menton. Ce à quoi il est positivement réceptif. C’est fou !
Après cette tempête émotionnelle, le calme revient, je continue de le caresser, au point de m’abandonner au sommeil. Hélas, pour nous deux, cela n’est pas fini avec l’intrus. Nous sommes brusquement brimbalés. Il se met à taper dans la carlingue ! Pourquoi ? Je n’en sais rien, mais le bruit qu’il provoque est insupportable. Mon petit acolyte geint aussi fort qu’il peut. Notre assaillant s’arrête alors de frapper. Y a-t-il un lien ? En fait, non, ce n’était pas mon chaton ! Juste après ce court intermède, j’entends le cri et les pas d’un nouveau venu résonnent dans la structure. Empli d’une peur et d’une panique sans nom, je me sens obligé de bouger, le plus loin possible d’ici. J’attrape mon petit ami avec empressement. Il a beau me planter ses griffes dans le bras à cause de sa frayeur, je ne le lâche pas. Je me redresse, regarde furtivement si je vois l’un des assaillants au travers des ouvertures, et m’approche avec prudence de l’arrière du vaisseau. Je découvre alors avec horreur qu’il s’agissait bien d’un nouvel intrus, pire, cette fois, c’est sans aucun doute un prédateur.
Ses dents longues le trahissent. Sa mâchoire me fait penser à celle d’un crocodile raccourci ! Son aisance à marcher en est tout son opposé, bien posé sur ses quatre pattes, il fond sur l’autre monstre, le poussant lourdement contre mon habitat de fortune, où il vient s’y fracasser. C’est le signe que je n’ai plus le choix. Projeté au sol, je regarde la scène et comprends que j’ai affaire à deux géants qui n’auraient aucun mal à me réduire en poussière. Je jette un œil derrière moi et constate que ce qui reste de mon vaisseau paraît bien fragile en regard de ces deux créatures. Ils ne m’ont pas encore vu, je profite de ce moment pour fuir vers l’orée du bois, tous les sens en éveil ! Cette planète me semble être un véritable enfer.
Le combat entre les deux géants fait rage, je regarde mon ancien vaisseau prendre régulièrement des coups indirects. À chaque impact, il se déplace un peu plus vers son inéluctable sort, une chute vertigineuse du haut de la falaise. Arrive le moment fatidique, j’assiste depuis ma planque à la chute du Goéland, il finit par chavirer puis tomber. Quand j’y repense, il y a une semaine environ, nous étions ici même, à l’abri d’une traque sauvage et sanguinaire. C’est mon dernier espoir d’un quelconque sauvetage qui disparaît cent mètres plus bas, dans une forêt terriblement épaisse et inhospitalière. Ma solitude à cet instant est absolue.
Ma vie a totalement changé en quelques jours seulement. Je me remémore le temps qui vient de s’écouler, nostalgique et triste. J’étais encore entouré de gens sur une autre planète, il y a tout juste une demi-année. Puis j’ai fait partie de l’équipe de gestion d’une flotte comptant quelques milliers d’humains pendant cinq mois, et maintenant, je n’existe plus pour personne ! Hormis ce petit être dont je ne voulais même pas à son arrivée.
Pendant quelques instants, j’ai tout simplement perdu tout contact avec la réalité, je ne fais plus attention à ce combat qui se passe juste devant moi. Heureusement le chaton est venu me réveiller avec sa patte. En l’observant, je prends conscience qu’il est tout ce qu’il me reste et je me surprends à lui parler :
Comment vais-je t’appeler ? Puisque nous ne sommes plus que nous deux. Je le dévisage d’un regard mêlé de tristesse et étrangement aussi d’espoir, suis-je en train d’accepter ma situation, probablement ? À voix haute, je lui sors :
— Que penses-tu d’Orbe ?
Je suis persuadé qu’il ne me comprend pas, cependant, son geste de la tête me laisse croire qu’il réagit positivement à ce choix. Je m’esclaffe alors :
— Partons là-dessus ! Je t’appellerais Orbe à partir de maintenant.
Étrangement, cet acte, pourtant anodin, provoque en moi un brin de joie, de satisfaction même. Je ne sais pas si c’est la solitude ou la folie qui me prend, mais il reste une bouée de sauvetage pour mon esprit, c’est tout naturellement que je m’y accroche.
Je jette un dernier coup d’œil sur ce combat de titans, la proie semble en bien mauvaise posture, voilà le signal pour moi pour ne pas demander de reste.
— Allons-y, Orbe ! On part !
Le temps de me retourner, et en avançant, je tape dans un caillou qui se met à rouler devant moi. Je vérifie apeuré qu’aucun des deux monstres n’ait entendu quoi que ce soit. Une fois rassuré, je regarde en arrière pour découvrir Orbe en train de s’amuser avec ce qui ressemble à une balle en métal assez brillante. Attiré, je jette un œil furtif et reconnais aussitôt ma sphère d’information. Je lui dis rapidement :
— Non, Orbe, ne l’abîme pas s’il te plaît. Même si elle ne m’est plus d’aucune utilité, je souhaite le conserver.
Il me fixe alors, le museau en l’air ! Je saisi ce laps d’inattention de sa part pour attraper l’objet et de la ranger dans mon sac. Acte qu’il n’apprécie pas trop, car il me quémande la boule en tentant de grimper sur mes jambes.
Sans prêter plus garde à son comportement, je me mets en route et dis à haute voix :
— Dirigeons-nous vers la grotte !
Pendant le trajet, nous profitons tous les deux pour nous remplir l’estomac. En ce qui me concerne, je me contente de quelques fruits tandis que mon compagnon s’intéresse plus à quelques rampants biens croquants. Il parvient même à saisir une sorte de lézard volant. Qu’il dévore en deux coups de crocs !
Après deux grosses heures de marche, je suis de retour à la grotte. J’espérais retrouver quelqu’un, mais non, personne, rien n’a bougé depuis le matin que je suis parti.
Cela fait plusieurs mois maintenant que j’erre sur cette planète étrange. À croire que je ne manque à personne, aucune équipe n’a semblé vouloir me retrouver. Et de toute façon, ils n’auraient pas pu me trouver, je n’ai même plus de balise. Je n’ai plus rien de mon passé, hormis cette sphère que je n’ose plus démarrer. Mes anciens compagnons ont tout simplement disparu, et puis maintenant, je me suis résigné à vivre seul avec Orbe. D’ailleurs, j’ai vraiment de la chance de l’avoir avec moi. Sans lui, je n’aurais jamais pu tenir si longtemps. Il a bien grandi et me rend d’immenses services pour la chasse, mais aussi pour m’alerter sur les risques, j’espère juste qu’il n’aura jamais l’envie de me dévorer. Je remarque chaque jour ses crocs énormes et elles sont plutôt inquiétantes.
Avec le recul, je me rends compte que tout est étrange ici. Les créatures sont dangereuses, mais pas seulement, les plantes ne sont pas en reste. Je ne suis pas fou en disant cela, mais je vois bien qu’elles me regardent comme un repas potentiel.
Au début, c’était difficile. Les journées étant plus longues que sur Gaia, le cycle de sommeil est particulièrement perturbé. Fort heureusement, je sens bien que mon corps s’est peu à peu adapté au nouvel environnement, sauf en ce qui concerne le poids des choses ! Tout est plus lourd, plus pesant à porter, chaque action est plus fatigante que sur Gaia. Moi-même, j’ai l’impression d’être plus massif, comme si je mangeais trop, et ça, je sais que ce n’est pas le cas.
Sur Gaia, je pouvais sans difficulté courir deux à trois heures en continu, mais depuis que je suis ici, je peine à boucler une heure et trente minutes. Mais en fait, tout cela est normal, le Goéland avait notifié à notre arrivée que la gravité sur Osberan est vingt pour cent plus forte que sur terre.
Je ne m’apitoie pas sur mon sort, il est bien plus rose que ce que j’aurais pu espérer lorsque tous mes compagnons ont disparu. J’aurais juste préféré ne pas rester seul, je suis sûr que la vie ici aurait vraiment été bien plus agréable encore.
C’est ce soir que j’ai décidé de tourner définitivement la page. J’établis ma nouvelle habitation dans cette grotte que j’ai découvert ce matin même. J’ai abandonné tout espoir de retrouver quiconque. Soit, les autres expéditions ont fini dans une situation semblable à la mienne, soit ils sont partis du postulat que comme mon vaisseau avait été détruit. Plus personne de mon équipe ne vivait encore ou peut-être ont-ils laissé tomber l’idée de s’installer ici ?
J’observe Orbe s’approcher de moi. J’espère que tout va bien, en effet il me paraît stressé ! Il tourne en rond, miaule en me regardant et se frotte à moi, j’ai la sensation qu’il veut me dire quelque chose. Maintenant, il se met à me tirer la manche. Manque de chance pour lui, car de prime abord, je lui fais comprendre que je ne le ferais pas, je me sens juste un peu fatigué. Malgré tout, il insiste. Aussi je décide finalement de le suivre, j’ai l’impression d’entendre un bruit peu plaisant, il a l’air de venir du fond de la grotte.
Non ! Ce n’est pas possible ! C’était trop beau pour être vrai, je suis tombé sur l’antre d’une créature qui ne semble pas apprécier ma présence, c’est pour cela qu’Orbe agissait de la sorte. Je la découvre, elle est grosse et noire. Ses yeux bleu profond me fixent et m’effraient ! Je comprends alors qu’au moindre faux mouvement, je ne donne pas cher de ma vie. Mais ! Et Orbe ! Il doit faire aussi attention à lui, je me retourne dans tous les sens, mais ne le vois plus :
— Orbe ? Où es-tu ?
Je le cherche encore dans les recoins de la grotte, sans lâcher du regard mon assaillant.
Il est loin, il a dû prendre peur et je ne peux pas lui en vouloir quand j’observe ce qui se trouve devant moi. Je me dis juste que j’aurais dû le suivre dès qu’il me l’avait demandé, j’aurais dû lui faire confiance. Je tente de reculer pour m’enfuir. Pourvu qu’il ne prenne pas mes mouvements pour une agression.